Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/142

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Je pars en rendant justice à ses bonnes qualités, à son esprit, à sa grâce, au bon ton qu’il a quand il veut, à sa noblesse, à sa valeur, à sa genérosité, et même à son espèce d’humanité. Je le regrette et j’en suis regretté. Je vais monter en voiture, n’en pouvant plus de mauvaise chère, de mauvais vin, de mauvaise eau, de mauvais air, de froid et d’ennui, et bien las de ne voir depuis un an que la mer et des déserts. Je sens que je vais me jeter dans d’autres aventures qui ne tourneront pas plus au profit des deux empires qu’à mon agrément. Je quitte les manières sauvages, et les finesses asiatiques d’un maréchal pour en aller trouver un autre, dont les formes européennes cachent le peu d’envie qu’il a de se compromettre[1]. Je sais bien qu’il fait toujours semblant d’avoir à se plaindre d’être arrêté, contrarié ; mais il parle bien, quoiqu’un peu diffus ; il est aimable, séduisant ; il a l’air militaire ; il est adoré, même de tous ceux qu’il persifle ; il inspire l’enthousiasme à son armée, et la contient par la discipline, comme son quartier-genéral par la décence et la noblesse de ses manières : il est estime de l’Europe et craint par les Turcs.

  1. Le Maréchal Romanzow.