Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement populaire n’apportoit pas toujours avec soi l’esprit de parti, l'intrigue, la jalousie, et les crimes qui en sont la suite, les Romains auroient été de bonnes gens ; si l’excès opposé, le despotisme d’un sultan, et de deux ou trois grands-officiers de l’empire ; ne les alarmoit pas sans cesse, les Turcs seroient aussi les meilleures gens du monde.

Ignorans par paresse et par politique, superstitieux par habitude et par calcul, ils sont guidés par une impulsion naturelle et heureuse. Que devientroient les peuples de l’Europe si un marchand de savon étoit premier ministre, un jardinier grand-amiral, et un laquais commandant des armées ? Où trouveroit-on des gens tout à la fois propres à combattre à pied, à cheval, et sur l’eau, adroits à tout ce qu’ils entreprennent, et individuellement toujours intrépides ? Les états étant confondus, personne n’étant classé, chacun a des droits à tout, et attend la place que le sort lui destine.

Observateurs, voyageurs, spectateurs, au lieu de faire des réflexions triviales sur les nations de l’Europe qui se ressemblent toutes, à peu de chose près, méditez sur tout ce qui tient à l’Asie, si vous voulez trouver du neuf, du beau, du grand, du noble, et très-souvent du raisonnable.