Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/243

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mirer cet infortune monarque ; mais s’il avoit suivi un de ces conseils, dont je me souviens, les revolutionnaires belges ne lui auroient pas coûté la vie.

Si l’enthousiasme dont M. de Meilhan est saisi pour tout ce qu’il voit et entend, le fait votre historiographe, je serai son garçon : je me suis blasé sur les grandes choses ; je me suis accoutumé à tout cela : je vois et j’entends Votre Majesté de sang-froid ; je ne la juge que comme on jugeoit les Rois d’Égypte, après leur mort. On dit qu’il n’y a pas de héros pour son valet-de-chambre. J’ai eu le bonheur de me trouver plus avec Votre Majesté pendant six mois, que votre valet brabançon, mon compatriote, pendant toute sa vie. Il fait semblant d’arranger vos cheveux, mais il les dérange par deux ou trois diamans gros comme mon poing, dont il croit vous parer. Mon héros femme, différent des héros connus, s’est montré tel depuis six heures du matin jusqu’à dix heures du soir ; mais je suis devenu un aigle, sans m’en douter. J’ai fixé le soleil ; il ne m’a pas assez ébloui pour que je ne puisse pas être cru lorsque je dirai qu’il est sans tache. Ainsi, M. de Meilhan, je vous contrôlerai, je vous examinerai de près.

C’est une bien singulière manière que d’attendre la paix en gagnant des batailles malgré