Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/315

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et par sa lëgèreté tous ceux qui ont découvert combien il pouvoit être profond. La base de son caractère est une bonté sans mesure ; il ne sauroit supporter l’idée d’un être souffrant, et donneroit jusqu’à son plus strict nécessaire pour s’en délivrer : il se priveroit de pain pour nourrir même un méchant, et surtout son ennemi : ce pauvre méchant ! diroit-il. Il avoit dans une terre une servante que tout le monde lui dënonçoit comme voleuse : malgré cela il la gardoit toujours, et quand on lui demanda pourquoi, il répondit : — Qui la prendroit ? — Il a de l’enfance dans le rire et de la gaucherie dans le maintien ; la tête un peu baissée, les pouces qu’il tourne devant lui comme arlequin, ou les mains derrière le dos, comme s’il se chauffoit ; des yeux petits et agréables, qui ont l’air de sourire ; quelque chose de bon dans la physionomie ; du simple, du gai, du naïf dans sa grâce ; une pesanteur apparente dans la tournure, et du mal-tenu dans toute sa personne. Il a quelquefois l’air bête de La Fontaine : on diroit qu’il ne pense à rien lorsqu’il pense le plus. Il ne se met pas volontiers en avant, et n’en est que plus piquant lorsqu’on le recherche. La bonhomie s’est emparée de ses manières, et ne laisse percer la malice que dans ses regards et son sourire ; il se défie tellement de