Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/353

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ami, ne se fait-il donc plus d’émigration d’animaux de ma terre de Tourney à ma terre de Ferney ?

Il étoit toujours en souliers gris, bas gris-de-fer, roulés, grande veste de basin, longue jusqu’aux genoux, grande et longue perruque, et petit bonnet de velours noir. Le dimanche il mettoit quelquefois un bel habit mordoré uni, veste et culotte de même, mais la veste à grandes basques, et galonnée en or, à la bourgogne, galons festonnés et à lames, avec de grandes manchettes à dentelles jusqu’au bout des doigts, car avec cela, disoit-il, on a l'air noble. M. de Voltaire étoit bon pour tous ses alentours et les faisoit rire. Il embellissoit tout ce qu’il voyoit et tout ce qu’il entendoit. Il fit des questions à un officier de mon régiment qu’il trouva sublime dans ses réponses. De quelle religion êtes-vous, Monsieur ? lui demanda-t-il. — Mes parens m’ont fait élever dans la religion Catholique. — Grande réponse ! dit M. de Voltaire : il ne dit pas qu’il le soit. Tout cela paroît ridicule à rapporter et fait pour le rendre ridicule ; mais il falloit le voir, animé par sa belle et brillante imagination, distribuant, jetant l’esprit, la saillie à pleines mains, en prêtant à tout le monde ; porté à voir et à croire le beau et le bien, abondant dans