Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 134 —


m’être ainsi livrée à tes désirs ; sauras-tu avoir de la discrétion, Saturnin ?

Je lui répliquai que je voyais bien qu’elle ne m’aimait guère, et qu’elle se repentait des bontés qu’elle avait eues pour moi, puisqu’elle me croyait capable d’en abuser. Elle fut si contente de ma réponse, que j’en aurais été sur-le-champ payé par le plus tendre baiser, si nous ne nous étions pas trouvés à l’entrée du parterre, et à portée d’être aperçus, mais, sans me répondre, elle me serra la main contre son cœur, et me regarda d’un air de langueur qui me charma.

Nous allions extrêmement vite ; la conversation était tombée, et je m’apercevais que madame Dinville jetait des yeux inquiets de côté et d’autre. Je n’avais garde d’en pénétrer la cause ; je ne la soupçonnais pas ; vous ne l’auriez pas soupçonnée vous-même, et vous ne vous seriez pas attendu qu’après avoir travaillé comme nous l’avions fait, la dame ne fût pas contente de sa journée. Ce n’était pourtant que l’envie de la couronner avec honneur qui la rendait si attentive, et qui la faisait examiner si soigneusement si quelque indiscret domestique ne viendrait pas y mettre obstacle. Mais, direz-vous, il fallait donc qu’elle eût le diable au cul ? D’accord ; elle venait de sucer ce pauvre petit Bougre ; il n’en pouvait plus ; il était rendu, cela est vrai, mais comment a-t-elle fait pour le faire bander ? Oh ! c’est ce que vous allez voir.

En garçon qui commençait à savoir son monde, puisque j’y venais de faire une entrée assez brillante, j’aurais crû manquer à mon devoir si je n’avais pas remis madame Dinville dans son appartement. Cela fait, je me préparais à lui tirer ma révérence, et je croyais l’embrasser pour la dernière fois de la journée :