Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/166

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Dinville, et uniquement dans la vue d’éprouver jusqu’à quel point elles pourraient faire monter ma nouvelle vigueur, j’en mangeai ce qui me restait. Je ne dirai pas si leur effet fut vif ou lent ; mais, après avoir dormi d’un profond sommeil, occasionné ou non par cette drogue luxurieuse, je me réveillai par la force de l’érection que je sentais. J’en aurais été effrayé, et j’aurais craint que mes nerfs, dont la tension prodigieuse me faisait une vive douleur, ne se rompissent, si je n’eusse éprouvé presque la même chose chez madame Dinville. J’étais fort embarrassé. Qu’on rie de mon embarras, que l’on me dise, si l’on veut :

— Eh quoi ! brave Dom Bougre, n’aviez-vous pas quatre doigts et le pouce à la main, secours certain et infaillible contre l’intempérance de la chair ? Demandez plutôt à ces cafards de prêtres, à ces hypocrites, qui portent la mortification sur leurs faces blêmes et hideuses, et la luxure, la paillardise la plus sensuelle dans leur cœur corrompu. Comment font-ils ? On ne trouve pas toujours un bordel, une dévote sous sa main ; mais on a toujours un vit. Ils s’en servent, ils se branlent jusqu’à se faire venir cette couleur pâle que les sots prennent pour l’effet de leurs austérités. Que ne vous serviez-vous de la même recette ? N’est-elle pas souveraine ?

Je le savais, mais il n’y avait pas longtemps qu’il m’était arrivé de me trouver brisé, moulu, impotent, pour m’en être un peu trop donné. Je me sentais des dispositions à m’en donner encore, peut-être un peu plus que de raison, et je n’étais pas fort curieux de me revoir dans le même état. J’étais en garde contre la tentation, je me contentais de me branloter, de donner de temps en temps quelques petites secousses, de faire venir le plaisir jusqu’à ma portée, et de m’arrêter tout