Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/176

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teur l’avait suivi en courant après lui. Dans le moment, j’entendis ouvrir ma porte avec précipitation et sur-le-champ la refermer avec la même vitesse. Je tremblais ; on vint se coucher sur le lit ; nouveau sujet de frayeur. Je croyais que c’était Françoise, et que le curé allait bientôt venir. La feuille n’est pas plus agitée par le vent que mon cœur l’était alors par la crainte. Cependant tout était calme, et cette Françoise qui était sur le lit pleurait et jetait de profonds soupirs. Tout cela mettait mes idées dans une confusion incroyable. Que penser de ces pleurs ? Pourquoi Françoise pousse-t-elle des soupirs ? Pourquoi est-elle revenue ? Le curé viendra-t-il ? Ne viendra-t-il pas ? Ah ! que l’incertitude est une peine cruelle ! Il me venait de temps en temps des envies de sortir, mais la crainte d’être rencontré par le pasteur me retenait toujours dans mon poste. J’en sortis à la fin, j’allais m’évader, le diable m’arrêta. J’entendais quelque chose au fond de mon cœur qui me disait : Tu vas te coucher, nigaud, et tu bandes encore ! Tu as le courage d’abandonner Françoise à son chagrin, tu crains de la consoler. C’est bien la moindre chose que tu lui doives ; elle t’a accablé de caresses si tendres, refuseras-tu d’essuyer ses larmes ? Elle est vieille, d’accord : laide, soit : mais n’a-t-elle pas un con, nigaud ? Ma foi ! seigneur Diable, vous aviez raison :

Un con n’est jamais qu’un con ;
Quand on bande tout est bon.

Va, va, continua la voix intérieure, l’orage est passé ; il n’y a plus rien à craindre, remets-toi dans le lit.

Je succombai à la tentation, je m’y remis. Je commençai par me coucher avec beaucoup de discrétion sur le bord, mais toute ma politesse ne put arrêter un