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avait voulu : cela ne coûte rien. Je l’engageai cependant à venir se rafraîchir souvent dans les eaux de la pénitence. Ainsi finit ma première expédition.

Il me semble que je vous entends crier : « Allons, dom Bougre, vous voilà dans le bon chemin ; vous êtes en train de vous guérir, à ce qu’il paraît ». Oui, lecteur, oui, la sainteté du caractère dont je viens d’être revêtu commence à opérer ; Dieu soit loué ! Que la grâce est puissante ! Je bande déjà assez pour me faire croire que je banderai bientôt davantage.

Je ne manquai pas le lendemain d’aller à l’office : on s’imagine bien à quelle intention. Je vis ma brune qui priait Dieu de tout son cœur. La voilà, me dis-je, cette charmante enfant, ce modèle de toutes les vertus ! Ah ! quel plaisir de croquer un morceau aussi délicat ! Quel ravissement de donner à cela la première leçon du plaisir amoureux ! Vivat ! je suis guéri, je bande comme un Carme (pourquoi ne pas dire comme un Célestin ? Valent-ils moins que les autres ?) Mais ma dévote me regarde : sa mère lui aurait-elle parlé de moi ? Ah ! vite, apaisons le feu que sa vue nous inspire, branlons-nous. Le roulement d’yeux que me causait le plaisir fût pris pour un excès de dévotion.

Le plaisir que j’avais en me branlant à l’intention de ma dévote, m’était un garant sûr de celui que j’aurais si j’en pouvais faire davantage. J’attendais de mon adresse un bonheur que le hasard me procura quelques jours après.

J’étais un jour sorti du couvent. Le portier, quand je rentrai, me dit, en m’ouvrant la porte, qu’une jeune dame m’attendait au parloir depuis deux heures, et voulait absolument me parler. J’y courus. Quelle fut ma surprise en reconnaissant ma dévote. Sitôt qu’elle me