Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/49

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bile, de façon qu’il eut le temps de passer la main au travers de la grille, de me prendre les tétons, de me les manier, et de me dire encore d’autres douceurs de la même force avant que je fusse revenue de ma surprise ; et quand j’en revins, je me trouvai si peu en état d’arrêter ses transports, que sa sœur le surprit dans cette occupation ; elle fit le lutin, me dit des injures, en dit à son frère, et je ne le revis plus.

Tout le couvent sut bientôt mon aventure : on chuchotait, on me regardait, on riait, on parlait, on se raillait. Je m’en inquiétais fort peu, pourvu que le murmure ne passât pas les pensionnaires. J’étais sûre de la discrétion des jolies, mais je ne l’étais pas trop de celle des laides. Celles-ci, qui étaient sûres de n’avoir jamais de pareilles occasions de pécher, crièrent au scandale, bas d’abord, puis haut, et si haut que les vieilles le surent. J’en avais ri au commencement ; je tremblai alors, et j’avais bien raison de trembler, car les mères discrètes assemblèrent le conseil pour délibérer entre elles sur ce que l’on ferait à une effrontée qui se laissait toucher les tétons, crime irrémissible aux yeux d’une bande de vieilles momies qui n’avaient plus que des tétasses à jeter sur l’épaule. On trouva le cas grave : tout autre que moi eût été renvoyée. Que je l’aurais souhaité ! Mais je devais apporter une bonne dot. Ma mère les avait assurées que je prendrais le voile : on me ménagea, et le résultat du conseil fut qu’on