Page:Ghil - La Tradition de poésie scientifique, 1920.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 55 —

exprime superbement la conservation de la Substance et de l’Énergie :

« Rien de rien ne se fait, rien en rien ne s’écoule :
Mais ce qui naît ou meurt ne change que de moule. »

Principe théologique de la création mis à part, nous avons donc en Du Bartas un poète véritable de « Poésie-scientifique », de qui les presciences sont puissantes et doivent étonner pour le temps où elles se produisent. C’est de puissance aussi qu’il doue les propositions de technique poétique de la Pléiade : car, s’il en pousse à l’outrance certaines, il n’est qu’emporté par l’ardeur tout-voulante de son tempérament, mais il a tout compris et réalisé plus qu’aucun d’alors. Dans la gravité cependant pleine de mouvement de son vers alexandrin, il a su, disions-nous tout à l’heure, avec ingéniosité et souvent avec le plus étonnant talent, représenter de sons, d’allitérations et de rythmes — les mouvements de la Pensée et les Formes en mouvement de la nature. Ainsi, par la matière de son Œuvre et par son expression poétique, il a atteint, autant qu’il lui était alors pos-