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elle se dégage de son Œuvre : sa contemplation est pessimiste, tout passe et souffre, et davantage l’être supérieur souffre… Il sied donc que serve à quelque chose, du moins, cette universelle souffrance, — conclut-il au lieu de se laisser aller à l’élégie ou à la malédiction : elle doit nous servir à mieux aimer tout ce qui passe et désespère. Et il arrive à un stoïcisme pénétré de douceur, en souhaitant orgueilleusement pour l’Humanité le règne de l’esprit, de l’intelligence victorieuse des éventualités. La conception est d’une hauteur émouvante. Le poète-philosophe n’est point parti d’une compréhension exacte de la Science qui pour nous, et le xviiie siècle optimiste l’avait comprise ainsi, ne peut donner une notion pessimiste : car le pessimisme est une notion individuelle, égotiste. Mais nous pouvons assentir cependant à sa conclusion, en tant que poète-scientifique : cette conclusion n’est-elle point en somme, d’altruisme supérieur au nom de l’Idée, et de concept du « plus de volonté » par la volonté, sans sanction qu’en le devenir qui soit meilleur…

Avant de passer — très directement — à Leconte