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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

le gouvernement des provinces, et le commandement général des armées romaines, sous les titres si connus de proconsul et d’empereur[1] ; mais il déclara qu’il n’acceptait ce pouvoir que pour dix ans. Il se flattait, disait-il, qu’avant l’expiration de ce terme, les blessures faites à l’état par les discordes civiles seraient entièrement fermées, et que la république, rendue à son ancienne splendeur, n’aurait plus besoin de la dangereuse interposition d’un magistrat si extraordinaire. Cette comédie fut jouée plusieurs fois pendant la vie d’Auguste ; et l’on en conserva la mémoire jusqu’aux derniers âges de l’empire : les monarques perpétuels de Rome célébrèrent toujours, avec une pompe solennelle, la dixième année de leur règne[2].

Pouvoir des généraux romains.

Le général des armées romaines pouvait, sans enfreindre en aucune manière les principes de la constitution, recevoir et exercer une autorité presque despotique sur les soldats, sur les ennemis et sur les sujets de la république : quant aux soldats, dès les premiers temps de Rome, le jaloux sentiment de la liberté avait fait place parmi eux à l’espoir des

  1. Imperator, d’où nous avons tiré le mot empereur, ne signifiait, sous la république, que général ; et les soldats donnaient solennellement ce titre sur le champ de bataille à leur chef victorieux lorsqu’ils l’en jugeaient digne. Lorsque les empereurs romains le prenaient dans ce sens, ils le plaçaient après leur nom, et ils désignaient combien de fois ils en avaient été revêtus.
  2. Dion, l. LIII, p. 703, etc.