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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

il n’estimait de la puissance souveraine que la liberté de pouvoir se livrer, sans aucune retenue, à toutes ses passions. Il passait sa vie dans un sérail rempli de trois cents femmes remarquables par leur beauté, et d’un pareil nombre de jeunes garçons de tout rang et de tout état. Lorsqu’il ne pouvait réussir par la voie de la séduction, cet indigne amant avait recours à la violence. Les anciens historiens[1] n’ont point rougi de décrire avec une certaine étendue ces scènes honteuses de prostitution, qui révoltent également la nature et la pudeur ; mais il serait difficile de traduire leurs passages ; la décence de nos langues modernes ne nous permet pas d’exposer des peintures si fidèles. Commode employait dans les plus viles occupations les momens qui n’étaient point consacrés à la débauche. [Son ignorance et ses vils amusemens.]L’influence d’un siècle éclairé et les soins vigilans de l’éducation n’avaient pu inspirer à cette âme grossière le moindre goût pour les sciences. Jusque alors aucun empereur romain n’avait paru tout-à-fait insensible aux plaisirs de l’imagination. Néron lui-même excellait ou cherchait à exceller dans la musique et dans la poésie ; et nous serions bien loin de l’en blâmer, si des études qui ne devaient être pour lui qu’un délassement agréable, ne fussent point devenues à ses yeux une affaire sérieuse et l’objet le plus vif de son ambition. Mais Commode,

  1. Sororibus suis constupratis, ipsas concubinas suas sub oculis suis stuprari judebat. Nec irruentium in se juvenum carebat infamiâ, omni parte corporis atque ore insexum utrumque pollutus. Hist. Aug., p. 47.