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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

ensuite se livrer au sommeil ; mais tandis qu’il était tourmenté par la violence du poison et les effets de l’ivresse, un jeune homme robuste, lutteur de profession, entra dans sa chambre, et l’étrangla sans résistance. Le corps fut porté secrètement hors du palais avant que l’on eût eu le moindre soupçon dans la ville, ni même à la cour, de la mort de l’empereur. Ainsi périt le fils de Marc-Aurèle, et ainsi fut abattu, sans la moindre peine, un tyran détesté, qui, défendu par les moyens artificiels de l’autorité, avait opprimé pendant treize ans plusieurs millions d’hommes, dont chacun en particulier avait reçu de la nature une force semblable et des talens égaux à ceux du prince[1].

Pertinax choisi pour empereur.

Les mesures des conspirateurs furent conduites avec le sang-froid et la célérité que demandait la grandeur de l’entreprise. Résolus de placer sur le trône un empereur dont la conduite les justifiât, ils firent choix de Pertinax, sénateur consulaire, dont le mérite éclatant avait fait oublier la naissance obscure, et qui était parvenu aux premières dignités de l’état. Il avait commandé successivement la plupart des provinces de l’empire, et, par son intégrité, par sa prudence et sa fermeté, il avait obtenu dans tous ses emplois, civils et militaires, l’estime de ses concitoyens[2]. Il était alors resté presque seul des

  1. Dion, l. LXXII, p. 1222 ; Hérodien, l. I, p. 43 ; Hist. Aug., p. 52.
  2. Pertinax était fils d’un charpentier : il naquit à Alba-Pompeia, dans le Piémont. L’ordre de ses emplois, que