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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/312

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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

mobiles plus réels et plus solides que met en jeu le pouvoir monarchique. Depuis que le droit de bourgeoisie et les honneurs attachés au nom de citoyen avaient passé aux habitans des provinces, qui n’avaient jamais connu, ou qui ne se rappelaient qu’avec horreur l’administration tyrannique de leurs conquérans, le souvenir des maximes républicaines s’était insensiblement effacé. C’est avec une maligne satisfaction que les historiens grecs du siècle des Antonins observent qu’en s’abstenant, par respect pour des préjugés presque oubliés, de prendre le titre de roi, le souverain de Rome possédait, dans toute son étendue, la prérogative royale[1]. Sous le règne de Sévère, le sénat fut rempli d’Orientaux qui venaient étaler dans la capitale le luxe et la politesse de leur patrie. Ces esclaves éloquens et doués d’une imagination brillante, cachèrent la flatterie sous le voile d’un sophisme ingénieux, et réduisirent la servitude en principe. La cour les applaudissait avec transport ; et le peuple les écoutait avec tranquillité, lorsque, pour défendre la cause du despotisme, ils démontraient la nécessité d’une obéissance passive, ou qu’ils déploraient les malheurs inévitables qu’entraîne la liberté. Les jurisconsultes et les historiens enseignaient également que la puissance impériale n’était point une simple délégation ; mais que le sénat avait irrévocablement cédé tous ses droits au souverain. Ils répétaient que l’empereur ne devait point être subordonné

  1. Appien, in proem.