Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
310
HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

reurs[1]. [Trois empereurs.]Cette distribution égale de faveurs ne servit qu’à exciter le feu de la discorde : tandis que le superbe Caracalla se vantait d’être le fils aîné du souverain, Géta, plus modéré, cherchait à se concilier l’amour des soldats et du peuple. Sévère, dans la douleur d’un père affligé, prédit que le plus faible de ses enfans tomberait un jour sous les coups du plus fort, qui serait à son tour victime de ses propres vices[2].

Guerre de Calédonie. A. D. 208.

Dans ces circonstances malheureuses, ce prince reçut avec plaisir la nouvelle d’une guerre en Bretagne, et d’une invasion des habitans du nord de cette province. La vigilance de ses lieutenans eût suffi pour repousser l’ennemi ; mais il crut devoir saisir un prétexte si honorable, pour arracher ses fils au luxe de Rome, qui énervait leur âme et qui irritait leurs passions, et pour endurcir ces jeunes princes aux travaux de la guerre et de l’administration. Malgré son âge avancé, car il avait alors plus de soixante ans, et malgré sa goutte, qui l’obligeait de se faire porter en litière, il se rendit en personne dans cette île éloignée, accompagné de ses deux fils, de toute sa cour et d’une armée formidable. Immédiatement après son arrivée, il passa les murailles d’Adrien et d’Antonin, et entra dans le pays

  1. L’exact M. de Tillemont fixe l’avénement de Caracalla à l’année 198, et l’association de Géta à l’année 208.
  2. Hérodien, l. III, p. 130 ; Vies de Caracalla et de Géta, dans l’Histoire Auguste.