Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/351

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vrir sur ses joues un mélange de blanc et de rouge artificiels[1]. Quelle dut être, à la vue de ce tableau, la douleur des graves patriciens ! Après avoir gémi long-temps sous la sombre tyrannie de leurs concitoyens, ils avouaient en soupirant que Rome, asservie par le luxe efféminé du despotisme oriental, éprouvait le dernier degré d’avilissement.

Sa superstition.

On adorait le Soleil dans la ville d’Émèse, sous le nom d’Élagabale[2], et sous la forme d’une pierre noire taillée en cône, qui, selon l’opinion vulgaire, était tombée du ciel sur ce lieu sacré. Antonin attribuait, avec quelque raison, sa grandeur à la protection de cette divinité tutélaire. Il ne s’occupa, pendant le cours de son règne, qu’à satisfaire sa recon-

  1. Dion, l. LXXIX, p. 1363 ; Hérodien, l. V, p. 189.
  2. Ce nom vient de deux mots syriaques, ela, dieu, et gabal, former : le dieu formant ou plastique ; dénomination juste et même heureuse pour le Soleil. (Wotton, Histoire de Rome, p. 378. (*)
    (*) Le nom d’Élagabale a été défiguré de plusieurs manières : Hérodien l’appelle ελαιαγαβαλος ; Lampride et les écrivains plus modernes en ont fait Héliogabale. Dion le nomme ελεγαβαλος, mais Élagabale est son véritable nom, tel que le donnent les médailles. (Eckhel, De doct. nummor. vet., t. VII, p. 250) Quant à son étymologie, celle que rapporte Gibbon est donnée par Bochart, Chan., l. II, c. 5) ; mais Saumaise, avec plus de fondement (Not. ad Lamprid., in Elagab.), tire ce nom d’Élagabale de l’idole de ce dieu, représenté par Hérodien et dans les médailles sous la figure d’une montagne (gibel en hébreu) ou grosse pierre taillée en pointe, avec des marques qui représentaient le Soleil. Comme il n’était pas permis, à Hiérapolis, en Syrie, de faire des statues du Soleil et de la Lune, parce que, disait-on, ils sont eux-mêmes assez visibles, le Soleil fut représenté à Émèse sous la figure d’une grosse pierre qui, à ce qu’il paraît, était tombée du ciel. (Spanheim, Cæsar., Preuves, p. 46. (Note de l’Éditeur.)