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NOTICE SUR LA VIE

tissement qui précède ces Extraits, et semble indiquer qu’il les destinait lui-même à l’impression. On voit en effet que ses Lectures ne sont, pour ainsi dire, que le canevas de ses pensées ; mais il suit ce canevas avec exactitude ; il ne s’occupe des idées de l’auteur qu’autant qu’elles ont fait naître les siennes, mais les siennes ne le distraient jamais de celles de l’auteur : il marche d’une manière ferme et sûre, mais pas à pas, et sans franchir les espaces ; on ne voit point que le cours de ses réflexions l’entraîne au-delà du sujet d’où elles sont sorties, et excite en lui cette fermentation de grandes idées qu’amène presque toujours l’étude dans les esprits forts, féconds et étendus ; mais aussi rien ne se perd de ce qu’a pu lui fournir l’ouvrage dont il se rend compte ; rien ne passe sans porter d’utiles fruits, et tout annonce l’historien qui saura tirer des faits tout ce que leurs détails connus pourront fournir à sa sagacité naturelle, sans chercher à en suppléer ou à en récompenser ces parties inconnues que l’imagination seule pourrait deviner.

L’ouvrage de sa conversion achevé, Gibbon avait trouvé dans son séjour à Lausanne plus d’agrément que n’avait dû lui en faire espérer le premier aspect de sa situation. Si la modicité de la pension que lui accordait son père, ne lui permettait pas de prendre part aux plaisirs et aux excès de ceux de ses jeunes compatriotes qui vont portant autour de l’Europe leurs idées et leurs habitudes, pour en rapporter dans leur patrie des ridicules et des modes, cette privation, en le confirmant dans ses goûts d’étude, en tournant son amour-propre vers un éclat plus sûr que celui qu’il pouvait tirer des avantages de la fortune, l’avait engagé à rechercher de préférence les sociétés plus simples et plus utiles de la ville qu’il habitait. Un mérite facile à reconnaître l’y avait fait recevoir avec distinction, et son amour de la science l’avait mis en relation avec plusieurs savans dont l’estime le faisait jouir