Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/408

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auprès de lui aucun homme d’une naissance illustre, ou qui fût connu par des qualités éminentes ou par des talens pour l’administration. La cour d’un empereur romain retraçait l’image de ces anciens chefs d’esclaves ou de gladiateurs, dont le souvenir inspirait encore la terreur, et dont on ne se rappelait qu’en frémissant la puissance formidable.

Oppression des provinces.

Tant que la cruauté de Maximin ne frappa que des sénateurs illustres, ou même ces hardis aventuriers qui s’exposaient, à la cour ou à l’armée, aux caprices de la fortune, le peuple contempla ces scènes sanglantes avec indifférence, et peut-être avec plaisir. Mais l’avarice du tyran, irritée par les désirs insatiables des soldats, attaqua enfin les propriétés publiques. Chaque ville possédait un revenu indépendant, destiné à des achats de blé pour la multitude, et aux dépenses qu’exigeaient les jeux et les spectacles : un seul acte d’autorité confisqua en un moment toutes ces richesses au profit de l’empereur. Les temples furent dépouillés des offrandes en or et en argent, que la superstition y avait consacrées depuis tant de siècles ; et les statues élevées en l’honneur des dieux, des héros et des souverains, servirent à frapper de nouvelles espèces. Ces ordres impies ne pouvaient être exécutés, sans donner lieu à des soulèvemens et à des massacres. En plusieurs endroits, le peuple aima mieux mourir pour ses autels, que de voir, dans le sein de la paix, ses villes exposées aux déprédations et à toutes les horreurs de la guerre. Les soldats eux-mêmes, qui partageaient