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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. I.

liberté sans aucun esprit d’union, c’est là ce qu’on trouvait dans les différentes tribus qui composaient le peuple breton. Elles coururent d’abord aux armes avec un ardent courage, puis les déposèrent ou se tournèrent les unes contre les autres avec la plus bizarre inconstance, combattirent séparément, et furent subjuguées l’une après l’autre : ni la bravoure de Caractacus, ni le désespoir de Boadicée, ni le fanatisme des druides ne purent soustraire leur patrie à l’esclavage ni résister aux progrès constans des généraux de l’empire qui soutenaient la gloire nationale, tandis que la majesté du trône était avilie par l’excès du vice ou celui de la faiblesse. Pendant que le farouche Domitien, renfermé dans son palais, ressentait lui-même la terreur qu’il inspirait, ses légions, sous le commandement du vertueux Agricola, dissipaient au pied des monts Grampiens les forces réunies des Calédoniens, et ses flottes, bravant les dangers d’une navigation inconnue, portaient sur tous les points de l’île les armes romaines. Déjà la Bretagne pouvait être regardée comme soumise : Agricola se proposait d’en achever la conquête ; et d’assurer ses succès par la réduction de l’Irlande, une seule légion et quelques troupes auxiliaires lui paraissaient suffisantes pour l’exécution de son dessein[1]. Il pensait que la possession de cette île occidentale

  1. Les écrivains irlandais, jaloux de la gloire de leur patrie, sont extrêmement irrités à cette occasion contre Tacite et contre Agricola.