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tribu : on se félicitait de ce qu’un nouveau champion s’apprêtait à soutenir leurs droits, de ce qu’un nouveau héros allait immortaliser leur nom. Les tribus les plus éloignées et les plus ennemies se rendaient à une foire annuelle, qui a été abolie par le fanatisme des premiers musulmans ; cette assemblée de la nation doit avoir puissamment contribué à civiliser et à rapprocher ces Barbares. On employait trente jours à échanger du blé et du vin, et à réciter des morceaux d’éloquence et de poésie. La généreuse émulation des poètes se disputait le prix : l’ouvrage qui remportait la couronne était déposé dans les archives des princes et des émirs : on a traduit en anglais les sept poëmes originaux, gravés en lettres d’or et suspendus au temple de la Mecque[1]. Les poètes arabes étaient les historiens et les moralistes de leur siècle ; et s’ils partageaient les préjugés de leurs compatriotes, ils animaient du moins et couronnaient leur vertu. Ils se plaisaient à chanter l’union de la générosité et de la valeur, et dans leurs sarcasmes contre une tribu méprisable, leur reproche le plus amer était que les hommes ne savaient pas donner, et que les femmes

  1. Pococke (Specimen, p. 158-161) et Casiri (Bibl. hisp.-arab., t. I, p. 48-84, etc., 119 ; t. II, p. 17, etc.) parlent des poètes arabes antérieurs à Mahomet. Les sept poëmes de la Caaba ont été publiés en anglais par sir William Jones ; mais l’honorable mission dont on l’a chargé dans l’Inde, nous a privés de ses notes, beaucoup plus intéressantes que ce texte obscur et vieilli.