Aller au contenu

Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la renommée, il agissait indifféremment en secret ou à découvert, selon que l’une ou l’autre de ces méthodes lui paraissait plus favorable à l’intérêt du moment. On donna le surnom de Guiscard[1] à ce grand maître de la sagesse politique, trop souvent confondue avec la dissimulation et la fourberie. Et le poète Apulien le loue d’avoir surpassé l’astuce d’Ulysse et l’éloquence de Cicéron. Cependant ses artifices se déguisaient sous une apparence de franchise militaire : dans sa plus haute fortune, il demeura accessible et affable pour ses soldats, et tout en se montrant indulgent pour les préjugés de ses nouveaux sujets, il affectait dans son vêtement et dans ses mœurs l’ancien usage de son pays. Il pillait avec avidité, afin de répandre des largesses avec profusion. Sa première indigence lui avait donné les habitudes de la frugalité, le gain d’un marchand ne lui paraissait pas indigne de son attention ; et il faisait subir sans pitié à ses captifs de longues et cruelles tortures pour les forcer à découvrir leurs trésors cachés. Selon les Grecs, il partit de la Normandie suivi seulement de cinq cavaliers et de trente fantassins, et ce calcul paraît encore exagéré ; ce sixième fils de

  1. Les auteurs et les éditeurs normands qui connaissaient le mieux leur langue, traduisaient le mot Guiscard ou Wiscard, par Callidus, un homme rusé et astucieux. La racine Wise est familière aux oreilles anglaises, et l’ancien mot Wiseacre, offre à peu près le même sens et la même terminaison. Την ψυχην πανο‌υργοτατος rend assez bien le surnom et le caractère de Robert.