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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/293

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miraculeusement tous les obstacles. La nuée et la colonne de Jehova avaient marché devant les Israélites jusque dans la terre promise ; les chrétiens ne pouvaient-ils pas espérer, à plus juste titre, que les rivières s’ouvriraient à leur passage, que les murs des plus fortes villes tomberaient au son de leurs trompettes, et que le soleil arrêterait son cours pour leur laisser le temps nécessaire à la destruction des infidèles ?

Motifs temporels et mondains.

Parmi les chefs et les soldats qui couraient au Saint-Sépulcre, j’oserai affirmer qu’il n’y en avait pas un qui ne fût animé par l’esprit d’enthousiasme, par la confiance du mérite de l’entreprise, par l’espoir de la récompense et de la protection divine. Mais je suis également persuadé que, pour le plus grand nombre, ces motifs n’étaient pas les seuls ; que, pour quelques-uns même, ils ne formaient pas les principaux mobiles de l’entreprise. L’influence ou l’abus de la religion arrêtent difficilement le torrent des mœurs nationales, mais lorsqu’ils veulent en hâter le cours, leur impulsion devient irrésistible. Les papes et les synodes tonnaient en vain contre les guerres des particuliers, les tournois sanglans, les amours licencieuses et les duels judiciaires ; ils ont réussi plus aisément à exciter parmi les Grecs des disputes métaphysiques, à attirer dans les cloîtres les victimes du despotisme et de l’anarchie, à sanctifier la patience des lâches et des esclaves, ou depuis, à s’attribuer le mérite de l’humanité et de la bienveillance qu’on remarque parmi les chrétiens modernes. Le mouve-