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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/296

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et la poursuite de ses créanciers ; les brigands et les malfaiteurs de toutes les sortes éludaient les châtimens de leurs crimes et bravaient les lois avec impunité[1].

Influence de l’exemple.

Ces motifs étaient puissans et en grand nombre ; mais après avoir calculé leur influence sur chaque individu en particulier, il faut y ajouter l’autorité indéfinie et toujours croissante de l’exemple et de la mode. Les premiers prosélytes devinrent les plus zélés et les plus utiles missionnaires de la croix, ils prêchaient à leurs amis et à leurs compatriotes l’obligation, le mérite et la récompense de la sainte expédition, et les auditeurs les moins disposés se trouvaient insensiblement entraînés par le tourbillon de l’autorité ou de la persuasion. Une jeunesse guerrière s’enflammait au moindre reproche ou soupçon de lâcheté ; l’occasion de visiter le Saint-Sépulcre sous la protection d’une armée formidable, séduisait les vieillards et les infirmes, les femmes et les enfans, qui consultaient plus leur zèle que leurs forces ; et ceux qui, la veille, avaient traité leurs compagnons d’insensés, adoptaient le lendemain avec ardeur la même folie. L’ignorance, qui exagérait les avantages de l’entreprise, en diminuait aussi les dangers. Depuis la conquête des Turcs, les pèlerinages étaient

  1. Voyez les priviléges des Crucesignati, dispenses de dettes, d’usure, d’injures, de justice séculière, etc. Ils étaient sous la sauvegarde perpétuelle du pape (Ducange, t. II, p. 651, 652).