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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/362

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guerriers de tous les rangs par les maladies, la famine et la désertion. Le même abus de l’abondance avait été suivi d’une troisième famine, et les alternatives de la disette et de la débauche produisirent une maladie pestilentielle qui enleva cinquante mille pèlerins. Peu étaient en état de commander, et tous refusaient d’obéir. Les querelles particulières, assoupies pendant le danger commun, s’étaient ranimées avec la même violence d’action, ou du moins la même aigreur de sentimens ; les succès de Baudouin et de Bohémond excitaient la jalousie de leurs compagnons ; les plus braves chevaliers s’enrôlaient pour aller défendre leurs nouvelles acquisitions, et le comte Raimond épuisait vainement ses troupes et ses trésors pour une expédition inutile dans l’intérieur de la Syrie : l’hiver s’écoula dans la discorde et le désordre ; le printemps ramena quelques sentimens d’honneur et de religion, et les simples soldats, moins susceptibles d’ambition et d’envie, réveillèrent par leurs cris d’indignation l’indolence de leurs chefs. Dans le mois de mai, les restes de cette puissante armée, réduits à quarante mille hommes, [Leur marche à Jérusalem. A. D. 1099. Mai 15. Juin 6.]dont à peine vingt mille hommes de pied et quinze cents chevaux étaient en état de servir, s’avancèrent d’Antioche à Laodicée, et poursuivirent leur marche sans obstacle entre la côte maritime et le mont Liban. Les vaisseaux de commerce génois et pisans, qui suivaient la côte, fournirent abondamment à leur subsistance, et les croisés tirèrent de fortes contributions des émirs de Tripoli, Tyr, Sidon, Acre et Césarée,