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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/407

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refus de toutes les dignités ecclésiastiques, et en fermant les yeux aux vanités du monde, l’abbé de Clairvaux devint l’oracle de l’Europe et le fondateur de cent soixante monastères. La liberté de ses censures apostoliques faisait trembler les princes et les pontifes. La France, l’Angleterre et Milan, le consultèrent dans un schisme de l’Église, et obéirent à son jugement. Innocent II n’oublia point qu’il lui devait la tiare, et il eut pour successeur Eugène III, le disciple et l’ami de saint Bernard. Ce fut dans la proclamation de la seconde croisade qu’il brilla comme missionnaire et comme prophète, appelant les nations à la défense du Saint-Sépulcre[1]. Au parlement de Vézelai, il parla devant le roi, et Louis VII ainsi que ses vassaux reçurent la croix des mains de saint Bernard. L’abbé de Clairvaux entreprit ensuite la conquête moins aisée de l’empereur Conrad ; ses gestes, sa voix, sa véhémence pathétique enflammèrent un peuple flegmatique et ignorant, qui n’entendait point sa langue ; et sa route de Constance à Cologne fut le triomphe du zèle et de l’éloquence.

    se videre non vidit. Cum enim vespere facto de eodem lacu socii colloquerentur, interrogabat eos ubi lacus ille esset ; et mirati sunt universi. Pour juger du sentiment que devait inspirer saint Bernard, il faudrait que le lecteur eût, comme moi, devant les fenêtres de sa bibliothéque, la superbe perspective de cet admirable paysage.

  1. Othon, de Freysing., l. I, c. 4 ; S. Bernard, epist. 363, ad Francos orientales, Opp., t. I, p, 328 ; vit. prima l. III, c. 4, t. VI, p. 1235.