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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/422

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peuple : mais Saladin ne se contenta pas long-temps de la possession de l’Égypte ; il chassa les chrétiens de Jérusalem, et les Atabeks de Damas, d’Alep et de Diarbekir. La Mecque et Médine le reconnurent pour protecteur temporel ; son frère conquit l’Yémen ou l’Arabie Heureuse ; et, à sa mort, son empire s’étendait de Tripoli en Afrique jusqu’au Tigre, et depuis l’océan indien jusqu’aux montagnes de l’Arménie. Dans nos principes d’ordre et de fidélité aux souverains, son caractère nous frappe d’abord comme fortement entaché du reproche d’ingratitude et de perfidie ; mais son ambition peut trouver, en quelque façon, son excuse dans les révolutions de l’Asie[1], où il ne restait pas même l’idée de succession légitime, dans l’exemple récent des Atabeks eux-mêmes, dans le respect qu’il montra toujours au fils de son bienfaiteur, dans sa conduite humaine et généreuse pour les branches collatérales, dans son mérite et leur incapacité, dans l’approbation du calife, source unique de l’autorité légitime, et enfin dans le vœu et les intérêts des peuples, dont le bonheur est le premier objet du gouvernement. Ils admiraient chez Saladin, comme chez son prédécesseur, l’union heureuse et rare des vertus d’un saint avec celles d’un héros ; car ces deux princes

  1. Abulféda, qui descendait d’un frère de Saladin, observe, d’après plusieurs exemples, que les fondateurs des dynasties se chargent du crime ou du reproche, et en laissent le fruit à leurs innocens collatéraux (Excerpt., p. 10).