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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/101

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acheta du marquis de Montferrat, pour la somme de dix mille marcs, l’île fertile de Crète ou Candie, et les débris de cent villes[1]. Mais les vues étroites d’une orgueilleuse aristocratie[2] ne permirent pas d’en tirer un grand parti, et les plus sages des sénateurs déclarèrent que ce n’était pas la possession des terres, mais l’empire de la mer qui formait le trésor de Saint-Marc. Sur la moitié échue aux aventuriers, le marquis de Montferrat était sans contredit celui qui méritait la plus forte récompense. Outre l’île de Crète, on compensa son exclusion du trône par le titre de roi et les provinces au-delà de l’Hellespont ; mais il échangea sagement cette conquête difficile et éloignée, pour le royaume de Thessalonique ou de Macédoine, à douze journées de la capitale, et assez près des états du roi de Hongrie, son beau-frère, pour en recevoir au besoin des secours. Sa marche à travers ces provinces fut accompagnée des acclamations sincères ou simulées des Grecs ; et

  1. Boniface vendit l’île de Candie le douze du mois d’août de l’année 1204. Voyez la transaction dans Sanut, p. 533 ; mais j’ai peine à concevoir comment cette île était le patrimoine de sa mère, ou comment sa mère pouvait être la fille d’un empereur du nom d’Alexis.
  2. En 1212, le doge Pierre Zani envoya dans l’île de Candie une colonie tirée des différens quartiers de Venise ; mais les natifs de cette île, par leurs mœurs sauvages et leurs fréquentes révoltes, pouvaient être comparée aux Corses sous le joug des Génois ; et lorsque je rapproche le récit de Belon de celui de Tournefort, je ne vois pas grande différence entre la Candie des Vénitiens et celle des Turcs.