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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/186

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truisit le nerf optique en les exposant à la réverbération ardente d’un bassin rougi au feu[1], et Jean Lascaris fut relégué dans un château écarté, où il languit obscurément durant un grand nombre d’années. Ce crime réfléchi peut paraître incompatible avec les remords, mais en supposant que Michel comptât sur la miséricorde du ciel, il n’en demeurait pas moins exposé aux reproches et à la vengeance des hommes, qu’il avait mérités par sa barbare perfidie ; intimidés par sa cruauté, ses vils courtisans applaudissaient ou gardaient le silence ; mais le clergé pouvait parler au nom d’un maître invisible, et avait pour chef un prélat inaccessible aux tentations de la crainte et de l’espoir. Après une courte abdication de sa dignité, Arsène[2] avait consenti à occuper de nouveau le trône ecclésiastique de Constantinople,

  1. Cette manière moins barbare de priver de la vue fut essayée, dit-on, par Démocrite, qui en fit l’expérience sur lui-même lorsqu’il voulut se débarrasser de la vue du monde. Cette histoire est absurde. Le mot abbacinare, en latin et en italien, a fourni à Ducange (Gloss. latin.) l’occasion de passer en revue les différentes manières d’ôter la vue ou d’aveugler. Les plus violentes étaient d’arracher les yeux, de les brûler avec un fer rouge ou du vinaigre bouillant, ou de serrer la tête avec une corde si violemment que les yeux en sortissent. Que la tyrannie est ingénieuse !
  2. Voyez la première retraite et le rétablissement d’Arsène, dans Pachym. (l. II, c. 15 ; l. III, c. 1-2), et Nic. Greg. (l. III, c. 1 ; l. IV, c. 1). La postérité blâme avec justice dans Arsène l’αφελεια et ραθυμια, vertus d’un ermite et vices d’un ministre, l. XII, c. 2.