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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/205

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maxime de Procida, qui déclarait qu’il se couperait la main gauche s’il soupçonnait qu’elle pût connaître l’intention de sa main droite. La mine se préparait avec un artifice profond et dangereux ; mais on ne peut assurer si le tumulte de Palerme, qui amena l’explosion, fut accidentel ou prémédité.

La veille de Pâques, tandis qu’une procession de citoyens sans armes visitait une église hors de la ville, la fille d’une maison noble fut grossièrement insultée par un soldat français[1]. La mort suivit aussitôt son insolence. Les soldats qui survinrent dispersèrent pour un instant la multitude ; mais à la fin le nombre et la fureur l’emportèrent : les conspirateurs saisirent cette occasion ; l’incendie se répandit sur toute l’île, et huit mille Français furent indistinctement égorgés dans cette révolution, à laquelle on a donné le nom de Vêpres siciliennes[2]. On déploya dans toutes les villes la bannière de l’Église et de la liberté. La présence ou l’esprit de Procida animait partout la révolte ; et Pierre d’Aragon, qui cingla de la côte

  1. Après avoir détaillé les griefs de ses compatriotes, Nicolas Specialis ajoute dans le véritable esprit de la jalousie italienne : Quæ omnia et graviora quidem, ut arbitror, patienti animo Siculi tolerassent, nisi quod primum cunctis dominantibus cavendum est, alienas fæminas invasissent (l. I, c. 2, p. 924).
  2. On rappela long-temps aux Français cette sanglante leçon. « Si on me pousse à bout, disait Henri IV, j’irai déjeuner à Milan et dîner à Naples. » — « Votre majesté, lui répondit l’ambassadeur d’Espagne, pourrait arriver en Sicile pour les vêpres. »