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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/38

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La prudence guida cependant toujours son ambition, et elle oublia rarement que si l’abondance de ses galères armées était la suite et la sauvegarde de sa grandeur, ses vaisseaux marchands en étaient la cause et le soutien. Venise évita le schisme des Grecs, mais elle n’eut jamais pour le pontife romain une obéissance servile ; et sa fréquente correspondance avec les infidèles de tous les climats paraît avoir tempéré de bonne heure pour elle l’influence de la superstition. Son gouvernement primitif était un mélange informe de démocratie et de monarchie ; l’élection du doge se faisait par les suffrages d’une assemblée générale : tant que son administration plaisait au peuple, il régnait avec le faste et l’autorité d’un souverain ; mais dans les fréquentes révolutions, ces magistrats furent déposés, bannis, et quelquefois massacrés par une multitude toujours violente et souvent injuste. Le douzième siècle vit naître les commencemens de l’habile et vigilante aristocratie, qui réduit aujourd’hui le doge à n’être qu’un fantôme et le peuple un zéro[1].

  1. Les Vénitiens n’ont écrit et publié leur histoire que fort tard. Leurs plus anciens monumens sont, 1o. la sèche Chronique (peut-être) de Jean Sagornin (Venise, 1765, in-8o), qui représente l’état et les mœurs de Venise dans l’année 1028, 2o. l’histoire plus volumineuse du doge (1342-1354) André Dandolo, publiée pour la première fois dans le douzième tome de Muratori, A. D. 1728. L’histoire de Venise, par l’abbé Laugier (Paris, 1728), est un ouvrage de quelque mérite, dont je me suis servi principalement pour la partie de la constitution de cette république.