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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/41

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Dieu ou de la chrétienté pourrait l’exiger, et la république devait y joindre une escadre de cinquante galères armées. Les pèlerins devaient payer, avant le départ, la somme de quatre-vingt-cinq mille marcs d’argent, toutes les conquêtes devaient se partager également entre les confédérés. Ces conditions étaient un peu dures ; mais la circonstance était pressante, et les barons français ne savaient épargner ni leur sang ni leurs richesses. On convoqua une assemblée générale pour la ratification du traité. Dix mille citoyens remplirent la grande chapelle et la place de Saint-Marc, et les nobles Français furent réduits à la nécessité, nouvelle pour eux, de s’abaisser devant la majesté du peuple. « Illustres Vénitiens, dit le maréchal de Champagne, nous sommes députés par les plus grands et les plus puissans barons de la France, pour supplier les souverains de la mer de nous aider à délivrer Jérusalem. Ils nous ont recommandé de nous prosterner à vos pieds, et nous ne nous relèverons pas que vous n’ayez promis de venger avec nous les injures du Christ. » Ce discours accompagné de leurs larmes[1], leur air mar-

  1. En lisant Villehardouin, on ne peut s’empêcher de remarquer que le maréchal et ses confrères les chevaliers répandaient fréquemment des larmes. « Sachiez que la ot mainte lerme plorée de pitié (no 17) ; mult plorant (ibid.) ; mainte lerme plorée (no 34) si orent mult pitié et plorèrent mult durement (no 60) ; i ot maint lerme plorée de pitié (no 202). » Ils pleuraient dans toutes les occasions, tantôt de douleur, tantôt de joie, et tantôt de dévotion.