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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/53

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et leur impatience les poussèrent à l’est, et si près de la terre et de la ville, que les remparts et les vaisseaux se saluèrent mutuellement de quelques volées de pierres et de dards. L’armée contempla en passant, avec admiration, la capitale de l’Orient, qui semblait plutôt être celle du monde, s’élevant sur les cimes de ses sept collines, et dominant le continent de l’Europe et de l’Asie. Les rayons du soleil doraient les dômes des palais et des églises, et les réfléchissaient sur la surface des eaux ; les murs fourmillaient de soldats et de spectateurs, dont le nombre frappait leurs regards, et dont ils ignoraient la lâcheté ; tous les cœurs furent frappés de crainte lorsqu’on songea que, depuis la naissance du monde, un si petit nombre de guerriers n’avait oser tenter une entreprise si périlleuse. Mais la valeur et l’espérance dissipèrent bientôt cette émotion passagère ; et chacun, dit le maréchal de Champagne, jeta les yeux sur l’épée ou sur la lance dont il devait bientôt se servir glorieusement[1]. Les Latins jetèrent l’ancre devant le faubourg de Chalcédoine. Les matelots restèrent seuls sur les vaisseaux ; les soldats, les chevaux et les armes, furent débarqués sans obstacles, et le pillage d’un des palais de l’empereur fit goûter aux barons les premières jouissances du succès. Le troisième jour, la flotte et l’armée tournèrent vers

  1. Et sachiez que il ne ot si hardi cui le cuer ne fremist (c. 67.). … Chascuns regardait ses armes… que par tems en aront mestier (c. 68). Telle est la franchise du vrai courage.