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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/70

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plus dangereux et plus personnels, et, en fondant l’argenterie des églises, de s’attirer le reproche d’hérésie ou de sacrilége. Dans l’absence de Boniface et du jeune empereur, une calamité funeste affligea la ville de Constantinople, et on put en accuser justement le zèle indiscret des pèlerins flamands[1]. En parcourant un jour la capitale, ils furent scandalisés à la vue d’une mosquée ou d’une synagogue où l’on adorait un seul Dieu sans lui adjoindre un fils ou un associé ; leur manière ordinaire d’argumenter avec les infidèles était de les poursuivre le fer à la main, et de réduire en cendres leurs habitations ; mais ces infidèles et quelques chrétiens du voisinage entreprirent de défendre leur vie et leurs propriétés, et les flammes allumées par le fanatisme consumèrent indistinctement les édifices les plus orthodoxes. L’incendie dura huit jours et huit nuits, et consuma une surface d’environ une lieue depuis le port jusqu’à la Propontide, composant la partie la plus peuplée de Constantinople. Il ne serait pas facile de calculer le nombre d’églises et de palais réduits en cendres, la valeur des marchandises consumées ou pillées, et la multitude de familles réduites à l’indigence. Cet outrage, qu’en vain le doge et les barons affectèrent de désavouer, rendit le nom des

  1. Nicétas (p. 355) est positif dans ses accusations, et charge particulièrement les Flamands (Φλαμιονες) ; mais il regarde mal à propos leur nom comme ancien. Villehardouin (no 107) disculpe les barons, et ignore ou affecte d’ignorer le nom des coupables.