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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/74

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bientôt son fils au tombeau ; [Alexis et son père sont déposés par Mourzoufle, le 8 février.]et la fortune épargna peut-être à Mourzoufle le crime inutile de hâter la mort d’un vieillard aveugle et sans moyens de se faire craindre.

Second siége de Constantinople. Janvier, avril.

La mort des empereurs et l’usurpation de Mourzoufle avaient changé la nature de la querelle. Il ne s’agissait plus d’une dispute entre alliés, dont les uns exagéraient leurs services, et les autres manquaient à leurs engagemens. Les Français et les Vénitiens oublièrent leurs griefs contre Alexis, versèrent quelques larmes sur le sort funeste de leur compagnon, et jurèrent de le venger d’une nation perfide qui avait couronné son assassin. Le sage Dandolo inclinait cependant encore à négocier ; il exigeait, soit comme subside, comme dette ou comme amende, une somme de cinquante milles livres d’or, environ deux millions sterling ; et la conférence n’aurait pas été si brusquement rompue, si, par zèle ou par politique, Mourzoufle n’eut pas refusé de sacrifier l’Église grecque au salut de l’état[1]. À travers les invectives de ses ennemis étrangers ou domestiques, on aperçoit qu’il n’était pas indigne du rôle de défenseur de son pays. Le second siége de Constantinople offrit plus de difficultés que le premier. Par un examen sévère des abus du règne précédent, l’usurpateur avait rempli le trésor et ramené l’ordre. Mourzoufle,

  1. Nicétas atteste cette négociation, qui paraît assez probable (p. 365) ; mais Villehardouin et Dandolo la regardent comme honteuse, et la passent sous silence.