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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/240

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n’était pas plus à l’abri des lois que leurs maisons ou leurs terres ; et soit par hasard, soit à dessein, Rienzi traitait avec la même rigueur les chefs des factions opposées. Pierre Agapet Colonne, qui avait été sénateur de Rome, fut arrêté dans la rue pour une injustice ou pour une dette ; et Martin des Ursins, qui, entre autres actes de violence et de rapines, avait pillé un navire naufragé à l’embouchure du Tibre, satisfit enfin par sa mort à la justice de son pays[1]. Son nom, la pourpre de deux oncles cardinaux, son mariage récent, et une maladie mortelle, n’ébranlèrent pas l’inflexible tribun, qui voulait faire un exemple, et qui avait choisi sa victime. Les officiers publics arrachèrent Martin de son palais et de son lit nuptial : son procès fut court et l’évidence de ses crimes incontestable ; la cloche du Capitole assembla le peuple ; le coupable, dépouillé de son manteau,

  1. Fortifiocca, l. II, c. 11. Les détails de ce naufrage font connaître quelques circonstances du commerce et de la navigation du quatorzième siècle. 1o. Le navire avait été construit à Naples, et on l’avait frêté pour les ports de Marseille et d’Avignon ; 2o. les matelots étaient originaires de Naples et de l’île d’Œnaria, et moins habiles que ceux de la Sicile et de Gènes ; 3o. le navire était revenu de Marseille en longeant les côtes : assailli par une tempête, il s’était réfugié à l’embouchure du Tibre, mais il manqua le courant et échoua : l’équipage n’ayant pu le dégager, descendit à terre ; 4o. ce navire, dont la cargaison fut pillée, portait au trésor royal le revenu de la Provence, plusieurs balles de poivre, de cannelle et d’étoffes de France, le tout valant vingt mille florins, prise alors très-considérable.