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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/92

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une triple couverture de peaux de bœufs défendait ce magasin mobile de munitions et de fascines. Les guerriers qu’elle renfermait, tiraient continuellement sans danger par les ouvertures ; et trois portes qu’elle offrait sur le devant, permettaient aux soldats et aux ouvriers de faire des sorties et de se retirer. Ils montaient par un escalier à la plate-forme supérieure, et du haut de cette plate-forme on pouvait avec des poulies élever une échelle avec laquelle on formait un pont qui s’accrochait au rempart ennemi. Par la réunion de ces divers moyens d’attaque, dont quelques-uns étaient aussi nouveaux pour les Grecs qu’ils leur devinrent funestes, la tour de Saint-Romain fut enfin renversée : après un combat opiniâtre, les Turcs furent repoussés de la brèche et arrêtés par la nuit. Ils comptaient à la pointe du jour recommencer l’attaque avec une nouvelle ardeur et plus de succès. L’empereur et le Génois Justiniani ne perdirent pas un de ces momens laissés au repos et à l’espérance ; ils passèrent la nuit sur le rempart, et pressèrent des travaux d’où dépendaient le sort de l’Église et celui de Constantinople. Aux premiers rayons de l’aurore, l’impatient Mahomet vit avec autant d’étonnement que de douleur sa tour de bois réduite en cendres, le fossé nettoyé et rétabli, et la tour de Saint-Romain forte et entière ; il déplora la ruine de son projet, et s’écria avec irrévérence, que trente-sept mille prophètes ne l’auraient pas déterminé à croire que les infidèles pussent en si peu de temps faire un pareil ouvrage.