Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/84

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unanimement qu’un premier engagement suffisait à remplir toutes les fins de la nature et de la société. Le lien sensuel du mariage, épuré par la ressemblance qu’on y voulait trouver avec l’union mystique de Jésus-Christ et de son Église, fut déclaré ne pouvoir être dissous ni par le divorce ni par la mort. Un second mariage fut flétri du nom d’adultère légal[1], et les chrétiens coupables d’une offense si scandaleuse contre la pureté évangélique, furent bientôt exclus des honneurs et même des aumônes de l’Église. Dès que le désir eut été interprété comme un crime, et le mariage toléré comme une faiblesse, selon les mêmes principes, le célibat dut être considéré comme l’état qui approchait le plus de la perfection divine. C’était avec la plus grande difficulté que l’ancienne Rome avait pu soutenir l’institution de six vestales[2]. L’Église primitive se trouva tout à coup remplie d’une foule de personnes de l’un et de l’autre sexe, qui se dévouaient à une chasteté perpétuelle[3].

  1. Voyez une chaîne de traditions depuis saint Justin martyr, jusqu’à saint Jérôme, dans la Morale des pères, c. 4, 6-26.
  2. Voyez une dissertation très curieuse sur les vestales, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, tome II, p. 161-227. Malgré les honneurs et les récompenses que l’on accordait à ces vierges, il était difficile d’en trouver un nombre suffisant ; et la crainte de la mort la plus horrible ne pouvait pas toujours réprimer leur incontinence.
  3. Cupiditatem pro creandi aut unam scimus aut nullam. Minucius Fœlix, c. 31. Saint Justin, Apolog. Maj., Athénagoras, in legat., c. 28. Tertullien, De cultu fœm., l. II.