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cembre qui suivit la bataille de Strasbourg, Julien attaqua six cents guerriers de cette nation, qui s’étaient jetés dans deux châteaux sur la Meuse[1]. Au milieu de cette dure saison, ils soutinrent avec une constance indomptable un siége de cinquante-quatre jours. Épuisés par la faim, et convaincus que la vigilance avec laquelle l’ennemi rompait les glaces de la rivière, ne leur laissait aucun espoir de s’échapper, les Francs consentirent, pour la première fois, à déroger à l’ancienne loi, qui leur ordonnait de vaincre ou de mourir. Julien envoya immédiatement ses captifs à la cour de Constance ; l’empereur les accepta comme un présent précieux[2], et se réjouit de pouvoir ajouter cette troupe de héros à l’élite des gardes de son palais. La résistance opiniâtre de cette poignée de Francs, fit prévoir à Julien les difficultés de l’expédition qu’il se proposait

  1. Ammien, XVII, 2 ; Libanius, orat. 10, p. 278. L’orateur grec, interprétant mal un passage de Julien, représente les Francs comme une troupe de mille combattans ; et comme il avait la tête remplie de la guerre du Péloponnèse, il les compare aux Lacédémoniens qui furent assiégés et pris dans l’île de Sphactérie.
  2. Julien, ad S. P. Q. Athen., p. 280 ; Libanius, orat. 10, p. 278. Selon l’expression de Libanius, l’empereur δωρα ωνομαζε, ce que La Bléterie (Vie de Julien, p. 118) regarde comme un aveu généreux ; et Valois (ad Ammian., XVII, 2) comme un vil détour pour obscurcir la vérité. Dom Bouquet (Hist. de France, t. I, p. 733), en substituant un mot ενομισε, évite la difficulté en détruisant le sens du passage.