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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/135

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d’attribuer tous les événemens extraordinaires à une volonté particulière de la Divinité. Tous les phénomènes de la nature se trouvaient liés par une chaîne invisible aux opinions morales ou métaphysiques de l’esprit humain, et les plus profonds théologiens pouvaient indiquer, d’après l’espèce de leurs préjugés, comment l’établissement de l’hérésie tendait nécessairement à produire le tremblement de terre ; par quelle cause l’inondation devait inévitablement résulter des progrès de l’erreur et de l’impiété. Sans prétendre discuter la probabilité de ces sublimes spéculations, l’historien doit se contenter d’observer, sur l’autorité de l’expérience, que les passions des hommes sont plus funestes au genre humain que les convulsions passagères des élémens[1]. Les effets destructeurs d’un tremblement de terre, d’une tempête, d’une inondation ou de l’éruption d’un volcan, sont très-peu de chose, comparées aux calamités ordinaires de la guerre, mêmes adoucies comme elles le sont maintenant par la prudence ou par l’humanité des souverains de l’Europe, lorsqu’ils amusent leurs loisirs ou exercent le courage de leurs sujets par la pratique de l’art militaire. Cependant les mœurs et les lois de l’Europe moderne protègent la vie et la liberté du soldat vaincu, et le citoyen paisible a rare-

  1. Dicéarque le péripatéticien a composé un Traité pour prouver cette vérité que l’expérience a suffisamment démontrée, et qui n’est pas une des plus honorables pour la race humaine. (Cicéron, De Officiis, II, 5.)