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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/24

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vous étiez encore les maîtres, il y a peu d’instans, de ne point m’élever à l’empire ; jugeant, par l’examen de ma vie, que j’étais digne de régner, vous m’avez placé sur le trône, et c’est à moi dorénavant à m’occuper de l’intérêt et de la sûreté de la république. Le gouvernement de l’univers est sans contredit un fardeau trop pesant pour les mains d’un faible mortel. Je connais les bornes de mon intelligence ; je sais que ma vie est incertaine, et, loin de refuser les secours d’un digne collègue, je les solliciterai avec empressement ; mais quand la discorde peut être funeste, on ne doit se déterminer dans le choix d’un ami sincère, qu’après de mûres délibérations, et c’est à moi seul à les faire. Pour vous, soyez soumis et raisonnables ; allez vous reposer et vous tranquilliser dans vos quartiers. Vous pouvez compter sur la gratification d’usage à l’avènement d’un nouvel empereur[1]. » Fiers de leur choix, satisfaits à la fois et tremblans, les soldats étonnés reconnurent la voix d’un maître ; la violence de leurs clameurs fit place à un respectueux silence, et Valentinien, environné des aigles des légions et des différentes bannières de la cavalerie et de l’infanterie, fut conduit, par un cortège militaire, au palais impérial de Nicée. Le nouvel empereur, sentant combien il était important d’empêcher que les soldats n’en

  1. Le premier discours de Valentinien est abondant dans Ammien (XXVI, 2), concis et sentencieux dans Philostorg. (l. VIII, c.8).