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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/307

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du genre humain. Le gouvernement d’un grand empire suffit sans doute pour occuper le temps et tous les talens d’un mortel : cependant ce prince actif, sans aspirer à la réputation d’un savant, réservait toujours quelques momens de son loisir à une lecture instructive ; l’histoire, où il allait puiser de quoi augmenter son expérience, était son étude favorite. Les annales de Rome lui présentaient, dans la longue révolution de onze siècles, des tableaux variés et frappans de la fortune et de la vie des hommes ; et on avait particulièrement remarqué que les cruautés de Cinna, de Marius ou de Sylla, lui arrachaient une exclamation d’horreur pour ces fléaux des hommes et de la liberté. Son opinion impartiale sur les événemens passés servait de règle à sa conduite, et il eut le rare mérite d’étendre ses vertus en proportion de sa fortune. Le moment de la prospérité était pour lui celui de sa modération. Il fit admirer plus que jamais sa clémence après le danger et le succès de la guerre civile. Dans la première chaleur de la victoire, on avait massacré les Mores qui composaient la garde de l’usurpateur, et livré au glaive de la justice quelques uns des criminels les plus marquans de son parti ; mais l’empereur se montra plus empressé de sauver les innocens que de punir les coupables. Les infortunés citoyens de l’Occident, qui se seraient crus trop heureux d’obtenir la restitution de leurs terres, reçurent avec étonnement une somme d’argent équivalente à leurs pertes, et le vainqueur pourvut libéralement à l’entretien