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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/388

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à la magnificence de leur châsse, ou qui révoquaient en doute leur puissance surnaturelle[1]. C’eût été, à la vérité, un crime bien punissable ou un étrange scepticisme que de rejeter les preuves d’une influence divine à laquelle les élémens, la nature entière et même les opérations invisibles de l’âme humaine, étaient forcés d’obéir[2]. L’effet salutaire ou pernicieux qui devait suivre immédiatement et presque au même instant les prières ou les offenses, ne laissait aucun doute aux chrétiens sur la haute faveur et le crédit dont les saints jouissaient auprès de l’Être suprême ; et il paraissait inutile d’examiner si ces puissans protecteurs étaient forcés d’intercéder continuellement au pied du trône de grâce, ou s’ils avaient la liberté d’exercer au gré de leur justice et de leur bienfaisance le pouvoir subordonné dont ils avaient reçu la délégation. L’imagination qui ne s’était élevée qu’avec peine à la contemplation et au culte d’une cause universelle, saisissait avec avidité des objets inférieurs de son adoration, plus proportionnés à ses conceptions grossières et à l’imperfec-

  1. Fleury, Discours sur l’Hist. ecclés., III, p. 80.
  2. À Minorque, les reliques de saint Étienne convertirent en huit jours cinq cent quarante Juifs, avec le secours cependant de quelques sévérités salutaires, comme de brûler les synagogues et de chasser les opiniâtres dans les rochers, où ils mouraient de faim, etc. Voyez la lettre de Sévère, évêque de Minorque (ad calcem sancti Augustini, De Civitate Dei), et les Remarques judicieuses de Basnage (t. VIII, p. 245-251).