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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/404

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faiteur, devant le tribunal arbitraire de Rufin ; malgré les preuves les plus évidentes de son intégrité, et quoiqu’il ne se présentât pas un seul accusateur, Lucien fut condamné, presque sans procédure, à souffrir un supplice cruel et ignominieux. Les ministres du tyran, par l’ordre et en présence de leur maître, le frappèrent sur le cou, à coups redoublés, de longues courroies garnies de plomb à leur extrémité ; et lorsque l’infortuné Lucien tomba sans connaissance sous la main de ses bourreaux, on l’emporta dans une litière bien fermée, pour dérober ses derniers gémissemens à l’indignation des citoyens. Aussitôt après cette action barbare, seul objet de son voyage, Rufin partit d’Antioche pour retourner à Constantinople, chargé de la haine profonde et des secrètes malédictions d’un peuple tremblant ; et sa diligence fut accélérée par l’espoir de célébrer en arrivant le mariage de sa fille avec l’empereur de l’Orient[1].

Son espérance est détruite par le mariage d’Arcadius. A. D. 395, 27 avril.

Mais Rufin éprouva bientôt qu’un ministre ambitieux et prudent, qui tient un monarque enchaîné par les liens invisibles de l’habitude, ne doit jamais s’en éloigner, et que dans son absence il doit peu compter sur le mérite de ses services, et moins en-

  1. … Cætera segnis ;
    Ad facinus velox ; penitùs regione remotas
    Impiger ire vias.

    L’allusion de Claudien (in Rufin., I, 241) est encore expliquée par le récit circonstancié de Zosime (l. V, p. 288, 289).