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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/407

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sien. Au moment où il se flattait de devenir la tige d’une longue suite de monarques, une fille obscure et étrangère, élevée dans la maison de ses implacables ennemis, se trouvait introduite dans le palais et dans le lit de l’empereur ; Eudoxie déploya bientôt une supériorité de courage et de génie qui assura son ascendant sur l’esprit d’un époux jeune et épris de ses charmes. Rufin sentit avec effroi que l’empereur serait conduit sans peine à haïr, à craindre et à détruire un sujet puissant qu’il avait outragé ; le souvenir de ses crimes ne lui laissait point l’espoir de trouver la paix ou la sûreté dans la retraite d’une vie privée ; mais il était encore en état de défendre sa dignité, et d’exterminer peut-être tous ses ennemis. Le gouvernement civil et militaire de l’Orient était encore soumis à son autorité absolue ; et ses trésors, s’il se déterminait à s’en servir, pouvaient faciliter l’exécution des desseins les plus hardis que l’orgueil, l’ambition et la vengeance, pussent suggérer à la puissance au désespoir. Le caractère de Rufin semblait justifier les imputations de ses ennemis. On l’accusait d’avoir conspiré contre la personne de son souverain, pour s’emparer du trône après sa mort, et d’avoir invité, pour augmenter la confusion publique, les Huns et les Goths à envahir les provinces de l’empire. Le rusé préfet, qui avait passé sa vie dans les intrigues du palais, combattit à armes égales les artifices d’Eutrope son rival ; mais son âme timide fut épouvantée à l’approche menaçante d’un ennemi plus formidable, du grand Stili-