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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/514

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devint un crime, Claudien se trouva exposé à la vengeance d’un courtisan puissant, qui ne pardonnait pas à l’esprit du poète de s’être exercé à ses dépens. Il avait comparé, dans une épigramme, les caractères opposés de deux préfets du prétoire de l’Italie, et fait contraster le repos innocent du philosophe qui donne quelquefois au sommeil, ou peut-être à l’étude, des heures destinées aux affaires publiques, avec l’activité funeste d’un ministre avide et infatigable dans l’exercice de sa rapacité, « Peuples de l’Italie, dit Claudien, faites des vœux pour que Mallius veille sans cesse, et qu’Adrien dorme toujours[1] ! » Ce reproche doux et amical ne troubla point le repos de Mallius ; mais la cruelle vigilance d’Adrien épia l’occasion de se venger ; et obtint sans peine, des ennemis de Stilichon, le faible sacrifice d’un poète indiscret. Claudien se tint caché durant le tumulte de la révolution ; et, consultant plus les règles de la prudence que les lois de l’honneur, il envoya au

    par des hommes de lettres, ses compatriotes et ses contemporains ; c’était un noble projet.

  1. Voyez Épigramme 30.

    Mallius indulget somno noctesque diesque :
    Insomnis Pharius sacra, profana, rapit.
    Omnibus, hoc, Italæ gentes, exposcite votis,
    Mallius ut vigilet, dormiat ut Pharius.

    Adrien était un Pharien (d’Alexandrie). Voyez sa Vie dans Godefroy (Cod. Théod., t. VI, p. 364). Mallius ne dormait pas toujours ; il a composé des dialogues écrits avec élégance, sur les systèmes grecs de la philosophie naturelle. (Claudien, in Mall. Theod. consul., 61-112.)