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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/130

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introduit quelques sentimens d’honneur et de justice dans les constitutions les plus défectueuses. En temps de paix, l’émulation active de tant de rivaux accélère les progrès des sciences et de l’industrie ; en temps de guerre, des contestations passagères et peu décisives exercent les forces militaires de l’Europe. Si un conquérant sauvage sortait des déserts de la Tartarie, il aurait à vaincre en différens combats les robustes paysans de la Russie, les nombreuses armées de l’Allemagne, la vaillante noblesse de France, et les intrépides citoyens de la Grande-Bretagne, qui peut-être même se réuniraient tous pour la défense commune. En supposant que les Barbares victorieux portassent l’esclavage et la désolation jusqu’à l’Océan Atlantique, dix mille vaisseaux mettraient les restes de la société civilisée à l’abri de leurs poursuites, et l’Europe renaîtrait et fleurirait en Amérique, où elle a déjà fait passer ses institutions avec ses nombreuses colonies[1].

III. Le froid, la pauvreté, l’habitude des dangers et de la fatigue, entretiennent les forces et le courage des Barbares. Dans tous les siècles, ils ont fait la loi aux nations paisibles et policées de la Chine, de l’Inde

  1. L’Amérique contient aujourd’hui environ six millions d’Européens de naissance ou d’origine, et leur nombre, au moins dans le nord, augmente continuellement. Quelles que soient les révolutions de leur système politique, ils conserveront les mœurs de l’Europe ; et nous pouvons penser avec quelque plaisir que la langue anglaise sera probablement répandue sur un continent immense et richement peuplé.