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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/196

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son pouvoir. Lorsque, sur la fin de la vie de Théodoric, son caractère commença à s’aigrir, Boëce sentit avec indignation qu’il était esclave ; mais un maître n’ayant de pouvoir que sur ses jours, le philosophe ne craignit pas de se présenter devant un Barbare irrité, qui ne trouvait plus la sûreté du sénat compatible avec la sienne. [Il est accusé de trahison.]Le sénateur Albinus était accusé et même convaincu d’avoir eu la présomption d’espérer la liberté de Rome. « Si Albinus est coupable, s’écria l’orateur, nous avons commis le même crime, le sénat et moi ; et si nous sommes innocens, Albinus a les mêmes titres à la protection des lois. » Ces lois ne pouvaient punir le stérile vœu d’un bonheur impossible ; mais elles durent avoir moins d’indulgence pour l’indiscret aveu de Boëce, qui osa dire qu’eût-il été instruit d’une conspiration, il ne l’eût pas révélée au tyran[1]. Le défenseur d’Albinus se trouva bientôt enveloppé dans l’affaire de son client, et peut-être coupable du même crime. On produisit contre eux une requête adressée à l’empereur d’Orient, pour l’engager à délivrer l’Italie de l’oppression des Goths : cette requête était revêtue de leur signature, qu’ils nièrent en vain comme supposée ; trois témoins d’un rang honorable, et peut-être d’une réputation infâme, attestèrent les criminels

  1. Si ego sciscem, tu nescisses. Boëce (l. I, Pros. 4, p. 53) adopte cette réponse de Julius Canus, dont la mort philosophique est décrite par Sénèque, De tranquiltate animi, c. 14.