Aller au contenu

Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de fidélité envers un prince qui refusait la justice à son peuple ; ils regrettèrent que le père de Justinien eût reçu le jour ; ils chargèrent son fils des noms insultans d’homicide, d’âne et de tyran perfide. « Méprisez-vous la vie ? » s’écria le monarque indigné. À ces mots, les Bleus se levèrent avec fureur ; l’Hippodrome retentit de leurs voix menaçantes, et leurs adversaires, abandonnant une lutte inégale, remplirent les rues de Constantinople de terreur et de désespoir. Dans cet instant de crise, sept assassins des deux factions, condamnés par le préfet, étaient promenés dans les rues de la ville, pour être conduits ensuite dans le faubourg de Péra où on devait les exécuter. Quatre d’entre eux furent décapités sur-le-champ : on en pendit un cinquième ; mais la corde qui attachait au gibet les deux autres, rompit, et ils tombèrent à terre. La populace applaudit à leur délivrance ; les moines de Saint-Conon sortirent d’un couvent voisin, et les plaçant dans un bateau, les conduisirent dans le sanctuaire de leur église[1]. L’un de ces criminels appartenant aux Verts et l’autre aux Bleus, la cruauté du tyran ou l’ingratitude du protecteur irrita également les deux factions, qui se réunirent momentanément pour mettre les deux victimes en sûreté et satisfaire leur vengeance. Le préfet voulut arrêter ce torrent séditieux ; on réduisit son palais en cendres, on massacra ses officiers et ses

  1. Voy. cette église et ce monastère dans Ducange, C. P. Christiana, l. IV, p. 182.